Le Togo dans l'Alliance des États du Sahel : une perspective controversée
Le Togo dans l'Alliance des États du Sahel : une perspective controversée
L'annonce récente de Robert Dussey, ministre des Affaires étrangères du Togo, sur une possible adhésion de son pays à l'Alliance des États du Sahel (AES), a surpris plus d'un et provoqué un flot de réactions dans les milieux politiques et médiatiques ouest-africains. Fondée par le Burkina Faso, le Mali et le Niger en 2023, cette Alliance est née dans un contexte de rejet des influences étrangères et de réaffirmation de la souveraineté des États sahéliens. Toutefois, pour un État comme le Togo, cette perspective suscite de profondes interrogations, non seulement en raison des orientations idéologiques des membres de l'AES, mais aussi à cause des caractéristiques politiques du régime togolais.
Un régime autoritaire ancré dans l'histoire
Depuis 1967, le pouvoir est concentré entre les mains de la famille Gnassingbé. Gnassingbé Eyadéma, arrivé au pouvoir par un coup d'État, a dirigé le pays durant 38 ans, s'appuyant sur des réformes constitutionnelles taillées sur mesure, une répression constante et un contrôle absolu des institutions.Sa mort, en 2005, aurait pu ouvrir la voie à une transition démocratique. Cependant, son fils, Faure Gnassingbé, a immédiatement pris sa succession dans un climat de violences meurtrières, où des manifestations massivement réprimées ont fait des centaines de morts. Ce passage de témoin, orchestré au mépris des principes démocratiques, a marqué la continuité d'un régime autoritaire profondément enraciné.
Les contradictions idéologiques avec l'AES
Les pratiques autoritaires du gouvernement togolais entrent en contradiction directe avec les principes affichés par l'AES. L'AES se présente comme une réponse à l'ingérence étrangère et revendique un retour à la souveraineté populaire. Bien qu'elle soit dirigée par des juntes militaires, l'AES s'appuie sur une rhétorique révolutionnaire, cherchant à incarner les aspirations des peuples sahéliens. À l'inverse, le régime togolais, dynastique et marqué par l'absence de légitimité populaire, s'éloigne de ces idéaux.De plus, les pays de l'AES ont clairement exprimé leur volonté de réorienter leurs alliances stratégiques vers des partenaires alternatifs tels que la Russie ou la Turquie. Ce choix reflète une volonté de s'émanciper de l'influence occidentale, tout en affirmant une posture de résistance face à l'ordre international traditionnel.Cette orientation contraste avec celle du Togo, qui continue de cultiver des relations étroites avec la France et d'autres puissances occidentales.
Une adhésion qui pourrait fragiliser le régime togolais
Au-delà des conséquences diplomatiques, une éventuelle adhésion du Togo à l'Alliance des États du Sahel (AES) pourrait engendrer des répercussions internes significatives. Faure Gnassingbé, déjà critiqué pour son régime autoritaire, risquerait d'être perçu comme cherchant à s'associer à l'AES dans le but de consolider son pouvoir.Des figures de l'opposition telles que Jean Pierre Fabre ou la Dynamique pour la Majorité du Peuple (DMP) pourraient exploiter cette adhésion pour réaffirmer leur discours sur l'isolement progressif du Togo au niveau international.
Un équilibre difficile à maintenir ?
Envisager une adhésion à l'AES pour le Togo pourrait avoir des répercussions de grande ampleur. Entre les contradictions idéologiques, les risques de polarisation régionale et les défis internes, le choix d'intégrer l'AES semble plus complexe qu'il n'y paraît.Pour l'Alliance des États du Sahel, accueillir un pays comme le Togo serait un pari qui pourrait soit renforcer son poids régional, soit diluer son identité idéologique. Dans tous les cas, il est clair que cette décision, si elle venait à se concrétiser, marquerait un tournant significatif dans la politique régionale de l'Afrique de l'Ouest.