L'innovation technologique en Afrique et le développement économique : le cas du Sénégal et de la Côte d'Ivoire
Le 18 décembre 2017, lors d’une invitation de la Commission économique des Nations Unies pour l'Afrique à Addis-Abeba, Christine Lagarde, alors directrice du Fonds Monétaire International (FMI), déclarait : « La technologie façonne déjà l’Afrique d’aujourd’hui. Et grâce à des investissements avisés, elle peut devenir un outil puissant pour bâtir des économies plus solides en Afrique demain. »
Sept ans plus tard, cette prédiction s'est avérée juste, notamment avec la croissance soutenue des économies africaines, en partie due à l'adoption des technologies numériques. Alors que l’innovation technologique est devenue un facteur clé du développement économique mondial, plusieurs pays africains, tels que le Sénégal et la Côte d'Ivoire, se distinguent par des initiatives visant à intégrer la technologie dans leurs secteurs économiques. Ces deux nations ouest-africaines illustrent parfaitement comment l'innovation technologique peut favoriser un développement économique inclusif et durable.
Le Sénégal : un leader de l'innovation technologique en Afrique de l'Ouest
Le Sénégal est aujourd'hui considéré par de nombreux experts comme la « Silicon Valley » de l'Afrique de l'Ouest. Son écosystème technologique est en pleine expansion, soutenu par des initiatives publiques et privées encourageant l’entrepreneuriat numérique. Dakar, la capitale, abrite plusieurs incubateurs et hubs technologiques, comme Teranga Tech Incub et CTIC Dakar, ce dernier soutenant les startups technologiques depuis 2011.
En parallèle des initiatives privées, le gouvernement sénégalais a lui aussi pris des mesures ambitieuses. Le Plan Sénégal Émergent (PSE), lancé en 2014, vise à transformer le pays en une économie émergente d'ici 2035, avec un accent particulier sur le développement des infrastructures technologiques et l'adoption des TIC dans tous les secteurs économiques.
Cette quête d’innovation technologique a rapidement influencé plusieurs secteurs économiques, notamment la fintech et l’agriculture. La croissance du mobile banking, avec des plateformes comme Orange Money, Free Money, ou encore Wave et Djamo, a permis une inclusion financière accrue. Ces solutions permettent de transférer de l'argent, de payer des factures, et même de recevoir des cartes bancaires, facilitant ainsi l'accès aux services financiers pour les petites entreprises et les entrepreneurs. Aujourd’hui, environ 60 % des adultes sénégalais utilisent des services financiers via leur téléphone mobile, selon la Banque mondiale.
L'agriculture, secteur clé pour l’autosuffisance alimentaire, bénéficie également de l'innovation technologique. Des startups comme MLouma, qui fonctionne comme une bourse agricole virtuelle, connectent les paysans aux consommateurs, facilitant la commercialisation des produits agricoles. Le gouvernement soutient également ces initiatives via des programmes tels que les « Pôles de Développement Technologique et d'Innovation », qui cherchent à transformer les secteurs agricole et industriel grâce à l’adoption de technologies avancées.
La Côte d'Ivoire : un hub technologique en pleine expansion
La Côte d'Ivoire, quant à elle, figure parmi les économies les plus prometteuses d'Afrique de l'Ouest, avec une croissance stable depuis une décennie. Pour diversifier son économie et attirer les investisseurs étrangers, le pays investit massivement dans les nouvelles technologies de l'information et de la communication (TIC). Abidjan, la capitale économique, est en voie de devenir un hub technologique régional, avec un nombre croissant de startups, d'incubateurs et de fonds d'investissement dédiés à l'innovation technologique.
En 2012, le gouvernement a lancé le programme "e-Gouvernement", une série de réformes numériques visant à moderniser l'administration publique. Des projets tels que la création de plateformes en ligne pour les services administratifs et le paiement électronique des impôts ont transformé la relation entre l’État et les citoyens.
Comme au Sénégal, la fintech est l’un des secteurs les plus dynamiques de l’économie ivoirienne. Des services de mobile banking, tels qu'Orange Money et Wave, sont largement utilisés pour effectuer des paiements, envoyer de l’argent ou épargner. En 2020, plus de 50 % des Ivoiriens utilisaient ces services, contribuant ainsi à la croissance économique et à la création d'emplois.
Dans le domaine agricole, secteur clé pour la Côte d’Ivoire, le pays intègre également des solutions technologiques pour améliorer sa productivité. Par exemple, la plateforme "Sènèkèla" offre aux agriculteurs des informations en temps réel sur les conditions météorologiques, les prix des marchés et les techniques agricoles, leur permettant d’optimiser leur production et de prendre des décisions éclairées.
Innovation technologique et défis structurels
Bien que les progrès en matière d'innovation technologique soient remarquables au Sénégal et en Côte d'Ivoire, plusieurs défis subsistent, notamment en ce qui concerne les infrastructures, la législation et la formation.
L'accès à une connexion Internet de qualité reste limité, surtout dans les zones rurales, ce qui freine la diffusion des innovations et limite les opportunités économiques pour une grande partie de la population. De plus, les cadres réglementaires peinent souvent à suivre le rythme rapide des innovations technologiques. Les gouvernements doivent encore adapter leurs politiques pour encourager l’entrepreneuriat numérique, protéger les consommateurs et promouvoir une concurrence équitable. Cela inclut des questions complexes telles que la protection des données personnelles et la taxation des services numériques.
Enfin, un manque de compétences numériques reste un obstacle majeur. Si de nombreux jeunes Africains sont familiers avec les technologies mobiles, la formation dans des domaines comme le codage, la gestion de données et la cybersécurité est encore insuffisante. Des initiatives telles que "Africa Code Week" et des écoles de codage, comme "Simplon" à Dakar, visent à combler ce déficit.
En somme, l’innovation technologique progresse dans ces deux pays et en Afrique en général. Toutefois, des mesures fortes dans différents domaines restent nécessaires pour permettre à la population de pleinement bénéficier de ces avancées et pour assurer une croissance économique durable, tout en gardant à l'esprit que « science sans conscience n’est que ruine de l’âme ».