Les cas Erwan Siadous et Anderson Nounamou au Gabon : un enième exemple de l’instrumentalisation du système juridique ? 

Le système judiciaire d'un pays doit être l'incarnation de la justice, de l'équité et du respect des droits fondamentaux des citoyens. Cependant, en Afrique et particulièrement au Gabon, il est souvent utilisé à des fins politiques ou personnelles et devient ainsi un outil d’oppression pour les plus démunis. Les cas d'Erwan Siadous et Anderson Nounamou remis en liberté provisoire alors qu’ils sont tous les deux présumés coupables de viol sur la jeune Michaella Ngoua illustre, une fois de plus, cette problématique dans un contexte où la population et de nombreux observateurs dénoncent depuis longtemps une justice deux poids-deux mesures. l’instrumentalisation du système juridique gabonais. 

L’affaire Michaela Ngoua 

Le 09 août 2023, Michaela Dorothée Ngoua avait été découverte sans vie aux alentours de l’échangeur de l’ancienne Radio Télévision Gabonaise (RTG). Cette découverte avait provoqué beaucoup d'émoi mais également d’interrogations chez les parents de la jeune fille mais également sur les réseaux sociaux au regard des conditions dans lesquelles elle avait rencontré la mort. Les autorités judiciaires s’étant saisies de l’affaire, ils ont appréhendé et mis aux arrêts Erwan Siadous (petit ami de la victime) et Anderson Nounamou, tous deux cousins. Suite à leurs aveux, ils avaient été incarcérés à la maison d’arrêt de Libreville, au Gros Bouquet. Seulement, moins d’un an après cet épisode macabre et sans même que la justice ait été rendu, des rumeurs sur les réseaux sociaux le 26 août 2024,  ont fait état de la libération des deux hommes présumés coupables. Après plusieurs investigations, la rumeur s’est avérée fondée et depuis l’affaire fait grand bruit sur les réseaux sociaux. Elle a été relayée par la presse nationale et internationale conduisant ainsi le ministère de la justice par la voix de M. Paul-Marie GONDJOUT  à sortir une note le 28 août 2024 dans laquelle il ordonnait « l’incarcération immédiate des deux personnes incriminées ». Depuis, Anderson Nounamou serait remonté à Libreville et désormais aux mains de la police tandis que son cousin Erwan Siadous serait en France et connaîtrait bientôt une extradition sur le sol gabonais. 

Que dit le code pénal gabonais dans une telle situation ? 

Le code pénal gabonais en son article 401 punit d’une peine de quinze ans de réclusion criminelle et d’une amende de 50.000.000 au plus tout auteur d’un viol. Plus loin, au terme de l’article 406, il est disposé qu’est puni de réclusion criminelle à perpétuité un viol ayant conduit la mort de la victime. Ainsi, le code pénal est clair et ne souffre d’aucune ambiguïté concernant la qualification et la punition des faits dont sont présumés coupables Erwan Siadous et Anderson Nounamou. Cependant, la question qui se pose est de savoir si dans ces circonstances, lesdits présumés avaient droit à une liberté provisoire et à quitter le territoire gabonais (cas d’Erwann Siadou). L’article 81 du code de procédure pénale donne la responsabilité au juge d’instruction en toute matière, à la demande de l’inculpé et sur les conclusions pour statuer sur les demandes de liberté provisoire. C’est ainsi que le 22 décembre 2024, le juge d’instruction chargé de l’affaire a ordonné la liberté provisoire des deux présumés coupables sans tenir compte de l’avis du ministère public qui a d’ailleurs fait appel de la décision. La cour d’appel ayant à son tour confirmé la demande de liberté provisoire. Au regard de la barbarie de l’affaire, de l'émoi qu’elle a suscité auprès de la communauté gabonaise et des aveux des personnes mises en cause, l’acceptation de cette mise en liberté provisoire des intéressées met en berne le principe de l’indépendance judiciaire. 

L'absence d'indépendance judiciaire : un problème systémique

L’un des principaux problèmes que soulève le cas d’Erwan Siadou est l'absence d'indépendance du pouvoir judiciaire au Gabon. Cette indépendance du pouvoir judiciaire signifie que le juge doit rendre la justice à l’abri de toute instruction ou pression. Or, dans cette affaire la crédibilité du juge d’instruction et du juge d’appel ayant confirmé la liberté provisoire des deux jeunes gens est fortement mise en cause. Il apparaît en effet incohérent d’accorder la liberté à des personnes présumées coupables d’un crime puni par la reclusion criminelle au sens du code pénal. Sur les réseaux sociaux notamment Facebook et TikTok où l’affaire est largement médiatisée, on peut lire dans les nombreux commentaires de jeunes gabonais des soupçons de corruption à l’endroit du système judiciaire. Une hypothèse qui ne saurait être écartée au regard des nombreux scandales ayant déjà éclaboussé la profession. 

Cependant, l’indépendance du système judiciaire implique également un respect de la séparation des pouvoirs (exécutif-législatif-judiciaire). Le communiqué du ministère de la justice ordonnant au procureur général de prendre les mesures légales et adéquates afin de venir à bout de cette situation, n’est-il pas également une preuve de l’ingérence de l’exécutif dans les affaires judiciaires même si dans ce cas il en va de la préservation de l’équilibre de la société ? 

De nouveaux éléments à prendre en considération dans l’affaire ? 

Depuis que l’affaire a pris des proportions inquiétantes sur les réseaux sociaux, de nouveaux éléments fournis par le père d’Erwan Siadous, Stéphane Siadous ont été relayés sur les médias. Selon lui, les présumés coupables auraient été torturés pendant quatre jours et menacés de mort. Acculés, il auraient avoué un acte qu’ils n’auraient pas commis afin d’échapper à des représailles. Stéphane Siadous accuse ainsi la police d’avoir cédé à des pressions extérieures pour clore l’affaire rapidement. 

De plus, le clan Siadous accuse la police d’avoir fait disparaître des preuves en particulier  des vidéos de surveillance d’une pharmacie proche du lieu du crime, vidéos qui auraient pu innocenter les jeunes accusés. Ces images, pourtant récupérées par les officiers de police judiciaire, n’ont jamais été versées au dossier, soulevant des questions sur les véritables intentions des forces de l’ordre. Si ces nombreux éléments viennent de la famille Siadous que l’on pourrait suspecter de vouloir blanchir leurs enfants, ils devraient néanmoins être pris en considération dans l’idée que chacun se fait de cette situation macabre. Les réseaux sociaux et la propagande ne devant pas obscurcir le point de vue de chacun et conduire à une vendetta sans merci. 



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