Tidjane Thiam radié de la liste électorale : quel avenir pour le PDCI-RDA ?
L’annonce de la radiation de Tidjane Thiam des listes électorales ivoiriennes, doublée de la révocation de sa nationalité ivoirienne, a provoqué une onde de choc dans le paysage politique ivoirien. Cette décision, prise par le tribunal de première instance du Plateau à Abidjan le 22 avril 2025, intervient à six mois d’une présidentielle cruciale et à peine quelques jours après son investiture quasi unanime comme candidat du PDCI-RDA. Elle bouleverse non seulement l’avenir politique de Tidjane Thiam, désormais inéligible, mais aussi celui du Parti démocratique de Côte d’Ivoire, pilier historique de la vie politique nationale.
Une radiation qui fragilise un leadership en construction
Tidjane Thiam, revenu en Côte d’Ivoire en 2023 avec l’image d’un technocrate à la carrière internationale, incarnait l’espoir d’un renouveau pour le PDCI-RDA. Son élection à la tête du parti avec plus de 96 % des voix et son investiture comme candidat unique à la présidentielle (99,5 % lors de la Convention du 16 avril) avaient ravivé la dynamique d’un parti en quête de relance après la disparition d’Henri Konan Bédié. Mais la décision de justice, fondée sur l’article 48 du Code de nationalité ivoirienne, estime que Thiam a perdu sa nationalité ivoirienne lors de l’acquisition de la nationalité française en 1987, et que sa renonciation à la nationalité française en mars 2025 n’a pas suffi à régulariser sa situation.
Le parti, ses partisans et Thiam lui-même dénoncent une manœuvre politique visant à écarter un adversaire sérieux du pouvoir en place. « C’est moi ou personne, nous ne présenterons pas d’autre candidat », a réaffirmé Thiam, qui qualifie la décision de « mauvaise pour la Côte d’Ivoire » et promet de continuer le combat politique, excluant tout plan B ou C. Le PDCI-RDA, de son côté, parle d’un « coup de force judiciaire » et appelle à la mobilisation générale pour défendre les droits démocratiques et la stabilité du pays.
Un parti à la croisée des chemins
La radiation de Tidjane Thiam plonge le PDCI-RDA dans une crise existentielle. Déjà fragilisé par la perte de son leader historique et des divisions internes, le parti doit maintenant faire face à l’incertitude sur sa direction et sa stratégie électorale. Des cadres historiques, opposés au style technocratique ou à la légitimité de Thiam, tentent de reprendre la main, tandis que la jeunesse du parti, déçue, s’interroge sur son engagement futur.
La contestation interne s’exacerbe : une plainte portée par Valérie Yapo, cadre du parti, remet en cause à la fois la légitimité de l’élection de Thiam à la tête du PDCI et sa qualité de candidat, ajoutant à la confusion et à la colère des militants. Le risque de voir le parti se diviser ou se démobiliser à l’approche de la présidentielle est réel, d’autant que Thiam pourrait également perdre la présidence du PDCI si une nouvelle décision de justice venait à confirmer sa perte de nationalité.
Un climat politique sous haute tension
La décision d’écarter Tidjane Thiam s’inscrit dans un contexte de durcissement autoritaire en Côte d’Ivoire. L’opposition, réunie au sein de la Coalition pour l’alternance pacifique (CAP-CI), dénonce une instrumentalisation de la justice pour verrouiller l’élection et affaiblir l’opposition. Le PDCI a appelé à des marches de protestation devant les tribunaux du pays, tandis que les députés du parti et ceux du camp Gbagbo ont quitté l’Assemblée nationale en signe de protestation. Cependant, ces mobilisations peinent pour l’instant à infléchir la décision judiciaire.
Les analystes politiques soulignent que cette exclusion, après celles de Laurent Gbagbo, Charles Blé Goudé ou Guillaume Soro, risque de raviver les tensions identitaires et de replonger le pays dans une période d’incertitude et d’instabilité, à l’image des crises de 2002 et 2010. Le débat sur l’ivoirité, jamais totalement résolu, refait surface et menace la crédibilité du processus électoral aux yeux de la communauté nationale et internationale.
Conclusion : Un tournant décisif pour la démocratie ivoirienne
La radiation de Tidjane Thiam n’est pas un simple épisode judiciaire, mais bien un tournant politique majeur. Elle cristallise les inquiétudes sur la capacité du pays à organiser une élection inclusive et apaisée. Pour le PDCI-RDA, l’heure est à la mobilisation et à la recherche d’une stratégie de résistance, alors que le parti au pouvoir, le RHDP, n’a pas encore officiellement désigné son candidat pour octobre 2025.
Pour de nombreux Ivoiriens attachés à la démocratie, cette affaire sonne comme une alerte : la pluralité politique et l’alternance sont plus que jamais menacées. La suite dépendra de la capacité du PDCI-RDA et de l’opposition à s’unir et à faire entendre leur voix, mais aussi de la réaction de la société civile et de la communauté internationale face à ce qui s’apparente à un verrouillage du jeu démocratique